Les dessous de l’enquête
Nous sommes parties d’une idée simple, qui correspond à nos valeurs : écouter ce que les gens ont à dire. D’après nous, on ne peut pas progresser si on ne regarde pas d’abord d’où on part… Il fallait donc établir des questions très simples et très ouvertes, à même de faire parler tout le monde, quel que soit le niveau d’implication sur le sujet ou l’aisance argumentative.
Le micro-trottoir permet d’aller à la rencontre de tout le monde pour récolter des avis très variés mais, bien sûr, c’est un exercice qui reste assez superficiel. Le sujet mérite des thèses ! Heureusement, certaines personnes ont pris le temps de nous répondre de façon beaucoup plus poussée et argumentée.
Autre critère important pour nous : nous voulions interroger des hommes aussi bien que des femmes. Cette position n’est pas unanime dans le féminisme mais pour nous, il est important que ce combat soit porté par tout le genre humain, aujourd’hui, pour progresser. D’où des questions, là aussi, conçues pour s’adresser à tous. Malheureusement, nous n’avons eu que 27% de réponses masculines. Souvent, les hommes que nous sollicitions se refermaient dès qu’ils entendaient « droits des femmes »… Certains semblaient néanmoins plus à l’aise à l’idée de répondre par écrit, de façon sans doute plus anonyme, que directement à notre micro. Enfin, d’autres se basaient sur leur mauvaise expérience avec une femme ou avec des juges aux affaires familiales pour dénoncer le « pouvoir » des femmes.
Nous avons également été frappées de constater que certaines femmes refusaient de s’exprimer sur la question. Nous ne voulons pas entrer dans une stigmatisation mais force est de constater qu’un certain nombre de femmes de 30 à 50 ans portant le voile semblaient mal à l’aise avec le thème ou avec l’idée de s’exprimer à notre micro. Nous avons eu plus de succès avec des jeunes filles ayant également choisi le port du voile.
Au final, nous avons tout de même récolté 110 témoignages et le formulaire n’est pas fermé, nous espérons donc que ce chiffre grimpera. Des témoignages venus de tous les quartiers d’Ivry (et de quelques habitants de Vitry) et issus de personnes de 17 à 89 ans. Et cela n’a pas été toujours facile en période de couvre-feu, de bars fermés, et par des températures peu propices aux bavardages dans la rue…
Ce qui nous a le plus frappé dans les réponses :
- Dans l’ensemble, le constat de l’existence d’inégalités est aujourd’hui très largement partagé. Rares sont ceux qui estiment que le rattrapage a déjà été fait. Et même dans ces cas-là, il est parfois amusant de constater qu’au fur et à mesure du questionnaire, leur évaluation change. Ils débutent en affirmant que la femme a aujourd’hui « tous les droits » et finissent en reconnaissant qu’elles ne sont pas assez reconnues au travail ou défendues en cas d’agressions…
- En revanche, en fonction de l’âge, la perception de l’évolution varie. Pour les jeunes, dans l’ensemble, les choses progressent. La plupart estiment qu’en 2021, la situation des femmes est tout de même bien meilleure que dans les décennies précédentes. Les personnes plus âgées, et tout particulièrement les femmes, sont plus inquiètes et évoquent une régression par rapport aux années 80, par exemple.
- L’âge joue aussi un rôle dans la perception de la sécurité à Ivry. La ville semble particulièrement difficile à vivre pour les plus jeunes.
- La question « Ivry » est d’ailleurs intéressante car, aussitôt, les gens pensent mairie, autorités, organisation de la ville. Et beaucoup estiment qu’à ce niveau-là, la question des droits des femmes est à peu près prise en charge. Quand on creuse un peu, néanmoins, sur la question de leur ressenti dans les rues de la ville, les réponses changent.
- La sensibilité aux inégalités est aussi, évidemment, différente selon le genre. Les hommes sont assez unanimes sur l’aberration que représentent les inégalités salariales. La question du traitement judiciaire donné aux violences sexuelles ou conjugales est aussi très largement évoquée. Les femmes, bien sûr, évoquent également ces sujets, mais quand on leur demande dans quel domaine il faut vraiment progresser, ce qui revient le plus c’est d’abord la question, simple mais ô combien essentielle, de pouvoir se balader sereinement dans l’espace public en s’habillant comme elles le souhaitent. D’arrêter d’avoir peur au quotidien.
- Un quartier d’Ivry a notamment été cité plusieurs fois comme un lieu où les femmes se sentent mal à l’aise : le boulevard Paul Vaillant-Couturier et ses abords. Nous avons donc été nous y promener pour nous rendre compte et force est de constater que les femmes y sont peu nombreuses et les regards très insistants…
Désormais, avec toute cette matière, nous espérons lancer un appel à projet auprès d’artistes ivryens pour créer une œuvre qui sera montrée dans la ville (sans doute pour le 8 mars de l’année prochaine) et pourra ouvrir des débats ou des discussions…
Et n'oubliez pas: le 8 mars, c'est une fois par an mais la lutte pour les droits des femmes, c'est toute l'année